BOURGTHEROULDE : La ferme du Logis (propriété privée)
LA FERME DU LOGIS
(propriété privée)
(collection privée de M. TIPHAIGNE)
Pendant les guerres de religion, le mobilier de la ferme du Logis, considéré comme un des plus beaux du Roumois, a disparu. Chevaux, bergeries, étables, greniers emplis de vivres, la grande grange, la cave, le bûcher, ont été pillés ou emportés par les ligueurs. Claude II Le Roux dépose une plainte auprès du Parlement. L'enquête ne sera diligentée qu'à la fin de l'année 1591.
L'actuel bâtiment fut construit au 17ème siècle. C'est une ferme seigneuriale avec colombier, grange, pignon et puits octogonal (*rasé et aplani il y a quelques années pour permettre le passage des tracteurs).
Le 1er mars 1784, Louis Le Cerf, laboureur, âgé de 88 ans, décède dans la ferme du Logis.
Le 26 juillet 1793, Louis Martin Lecerf, laboureur de 55 ans, obtient un certificat de civisme. Il loge dans un corps de ferme (*le Logis), propriété de Louis Paul Le Cordier de Bigards.
Le 13 octobre 1793, l'administrateur du Directoire de Pont-Audemer demande que le blé soit versé dans les magasins nationaux. Ce blé est refusé par les cultivateurs occupant les fermes d'émigrés.
Le 4 Germinal an 3 (1795), la ferme du Logis est déclarée bien national.
Le 6 Thermidor an 3 (26 juillet 1795), les biens de Le Cordier de Bigards sont confisqués et vendus comme biens nationaux. Il est fait trois lots de son domaine au mois de Fructidor, dont :
- Un enclos nommé le Parc de la grande ferme du Logis composé du champ de foire, une maison de fermier, une grange à blé, une écurie, etc., un jardin potager, le jardin du fermier planté d'arbres fruitiers, quatre corps de bâtiments, les terres labourables du Parc.
7 Vendémiaire an 4 (29 septembre 1795), une controverse a lieu a propos d'une vente de bien national. La grande ferme du Logis, occupée par Louis Martin Lecerf, a été divisée en sept lots par procès verbal le 18 thermidor (5 août) appartenant à Le Cordier, émigré. Il est mentionné que la place où se tient le champ de foire fait partie d'un enclos appelé le Parc où se trouve un lac dans lequel l'adjudicataire pêchait. Le tout appartenant à Le Cordier, émigré,
arceau empierré d'écoulement vers le supposé "lac" ?
(don de Mme Aline HUBERT)
Le 7 Ventôse (26 février 1796), Louis Martin Lecerf, cultivateur, déclare que la veille, des malveillants ont mis le feu à une pièce de chaume qu'il possède au triège du Pré de la Noé. Les dégâts sont constatés par l'agent municipal. Lecerf porte plainte. Les auteurs sont recherchés…
Un nouveau règlement pour le parcours et vaine pâture est établi le 1er septembre 1839 : un mouton pour trois arpents métriques. Il existe deux bergeries de quatre à cinq cents bêtes à laine. Louis Levasseur dit Duval de la ferme de l'Epinay et Jean Baptiste Gruel de la ferme du Logis réclament la présence de six bêtes par arpent, ce qui leur est accordé après approbation du préfet.
Lors de l'invasion prussienne en 1871, Mme Cousin, fermière du Logis, refuse de donner nourriture et bois de chauffage aux troupes d'occupation. En représailles, les portes de son magnifique buffet sont démontées et brûlées sur la place de la mairie (témoignage de M. Roger Hue, dernier maire de Boscherville)
Une subvention est demandée le 5 décembre 1932 au ministre de l'agriculture de manière à prendre rang pour des études géologiques concernant le projet d'adduction d'eau. M.Hennetier, propriétaire de la ferme du Logis consent à donner l'eau de son puits moyennant un remboursement des frais de pompage. Le maire est chargé de faire le nécessaire pour l'achat d'une pompe. Le 3 juillet 1933, la proposition faite par M. Hennetier en décembre 1932 de puiser l'eau de son puits, est jugée trop onéreuse. Un projet de transport d'eau par camion est étudié.
En mai 1995, Mme Irène HUBERT fait don d'une petite parcelle supportant la Porte des Marchands. Une plaque sera posée retraçant l'historique de cette porte, une clôture réalisée.
LE COLOMBIER DE LA FERME DU LOGIS
(Extraits de la thèse de Mme HUBERT)
Erigés sous l'Ancien Régime, et destinés en premier lieu à une fonction agricole, ils sont devenus dans les provinces de droit coutumier très strict, un symbole de puissance et de pouvoir. La Normandie est très représentative de cet esprit, ancré dans la Coutume de Normandie et respecté jusqu'à la Révolution, et s'est dotée de monumentaux colombiers, plus ouvragés que ne le nécessitait l'élevage des pigeons.
L'exemple d'une zone géographique représentative, le Roumois, située au sud-ouest de la métropole normande, Rouen, nous permettra d'en étudier les caractéristiques architecturales et fonctionnelles.
Les ouvertures respectent les directives énoncées par les théoriciens des XVI et XVIIèmes siècles ; les lucarnes, quand elles sont encore présentes, sont le plus souvent orientées vers le sud ou le sud-est et le sud-ouest.
La porte, toujours unique… et maintenue fermée, est dans la très grande majorité des cas orientée, selon une règle chère à Olivier de SERRES, vers la maison (entendez la maison du maître), pour pouvoir surveiller les allées et venues au colombier, comme si celui-ci renfermait un trésor... C'est grâce à l'orientation de cette porte, qu'il est possible actuellement d'avoir une idée de l'emplacement du logis quand seul le colombier a subsisté, (exemple de Bourgtheroulde).
Les formes - Prenons l'exemple du colombier de Bourgtheroulde : de forme octogonale, chaque face mesure 4 mètres, et la circonférence externe est de 4x8=32 mètres. Le diamètre pris entre deux faces opposées est de 9,50 mètres. Le diamètre interne est de 8,30 mètres, ce qui offre une circonférence de 26 mètres, permettant l'ouverture de 74 nids ; les murs ont une hauteur de 5,50 mètres, et portent 21 rangées de boulins.
L'épaisseur des murs varie de cinquante centimètres à soixante-dix centimètres, la base en général plus épaisse, forme une assise pour le départ des premiers boulins (d'une bonne cinquantaine de centimètres, cette assise évite aux premiers boulins le danger d'éventuels rongeurs et autres nuisibles). Une telle épaisseur de murs confère à cet édifice une certaine inertie thermique, favorable à un élevage, et mise à profit de nos jours par certains propriétaires, qui les ont recyclés en ...cave !
Le corps du colombier - La brique est sans conteste le matériau le plus souvent utilisé dans cette région ; plus de la moitié des colombiers en sont composés. L'abondance du sous-sol en argile a permis en Normandie le développement des briqueteries à partir du XIVème siècle... La brique a pu constituer alors les colombiers nouvellement érigés, comme elle a pu servir à la reconstruction de colombiers déjà existants, soit qu'on ait préféré en construire un neuf plus solide plutôt que restaurer un colombier de pisé, soit que l'on ait voulu pour des raisons de goût, se faire plaisir en construisant un nouveau colombier comme on construisait une nouvelle demeure, aux formes plus « modernes »...Il est attesté dans les aveux qu'il y avait effectivement droit de colombier, et présence du colombier, à des dates qui sont parfois bien antérieures aux dates estimées des colombiers que nous admirons de nos jours. Certains colombiers sont effectivement si bien intégrés à l'ensemble de la propriété, que leur construction ressort bien d'une volonté de perfection architecturale (Bosnormand, Bourgtheroulde, Bosgroult, Bosc Roger, Honguemare).
D'autres éléments appellent souvent l'utilisation de la pierre et complètent l'unité du décor. L'encadrement de la porte est généralement tout de pierres dans les harmonies brique et pierre, et se complète souvent d'un fronton, classiquement triangulaire dans la trilogie Boissey- Bourgtheroulde-Bosnormand
Les jouées des lucarnes sont parfois construites en pierres et briques (Bourgtheroulde, où l'on a poussé le sens de l'esthétique à faire des lucarnes des répliques conformes de la porte cochère qui sert(vait) d'entrée au domaine).
Le toit - La forme : Le toit est un élément essentiel du colombier : c'est autant un élément protecteur que décoratif. Sa forme dépend bien entendu de la forme au sol du colombier…En effet, on s'aperçoit que les plans proches du cercle ont adopté la classique toiture en poivrière, avec une base complètement circulaire. Cependant, poser un toit conique sur un ensemble à l'origine polygonal a nécessité un travail particulier au niveau de la corniche. Cette dernière doit en effet être ronde pour porter les sablières. Aussi cela a-t-il donné lieu sur les colombiers de pierres et/ou de briques à différents systèmes architecturaux pour passer du plan polygonal de l'élévation au plan circulaire de la toiture, amenant par la même occasion des éléments décoratifs intéressants et aussi variés que possible. On trouve deux grands principes de passage d'un plan à l'autre ; - soit un encorbellement par étages successifs de briques ou de pierres, étages s'arrondissant progressivement, - soit un ensemble de pierres en saillie (corbeaux) supportant la corniche ronde. (Le premier système est illustré par les colombiers de Bourgtheroulde, Boissey, Bosnormand, le second par ceux de Boisfrémont, et de Honguemare). Pour les colombiers octogonaux en colombages, on constate simplement une corniche de bois qui s'élargit pour amener le plan à sa nouvelle forme, ou bien des solives qui se prolongent au-delà du mur pour porter le premier cercle de la charpente.
Pour quelques colombiers, (Bourgtheroulde, Honguemare, et Saint-Pierre des Fleurs), un lanternon vient s'intercaler entre le faîte du toit et l'épi de faîtage. Apparu à la Renaissance, le lanternon de nos colombiers répond plus à un effet de mode architecturale qu'à une réelle fonction utilitaire : il ne coiffe pas un trou d'envol, comme cela s'observe sur les colombiers bretons. La présence de lucarnes est d'ailleurs là pour confirmer l'inutilité d'un tel trou. Le lanternon a donc une fonction toute décorative, car il confère au colombier qui le porte une élévation supplémentaire, et une prestance qui le fait sortir du rang des simples bâtiments agricoles.
Les nids - Matériaux : Contrairement à ce que constatait le plus souvent Olivier de Serres, à savoir des nids façonnés à l'aide de briques plates «accommodées à la mode d'armoire de buffet », le matériau le plus fréquemment utilisé a été le torchis, que l'on observe peu souvent de nos jours suite à la disparition souvent totale d'un grand nombre de ces boulins. En effet, seuls trois colombiers sont dotés de nids en briques, bâtis à même le parement intérieur, en même temps que la maçonnerie générale de l'ouvrage, elle aussi de briques, cela s'entend. Il s'agit des deux colombiers « frères » de Boissey-le-Chatel et de Bourgtheroulde, et de celui de La Chouque à Saint-Ouen de Thouberville. Il est à noter que ces briques étaient recouvertes d'un enduit blanc, dont on observe encore parfois les traces. Ces quelques cas de boulins montés en matériaux durs sont là encore le témoignage de l'importance accordée au colombier. Cette dépense supérieure attribuée à la construction de ces édifices très soignés est-elle le fruit d'un effet de mode venu des régions de la Loire, où les colombiers sont entièrement montés en tuffeau ?, ou l'expression du désir de se faire plaisir en se faisant construire un colombier plus luxueux ? Peut-être aussi une manière d'affirmer son droit, en faisant construire des boulins non démolissables ? Pour exemple, les sieurs Le Roux, à l'origine des colombiers de Bourgtheroulde et de Boissey, avaient eu à prouver l'ancienneté de leur noblesse. Cela a peut-être influencé le choix de construction, comme un signe très symbolique de la solidité de leur noblesse ? Le nombre de nids est bien sûr directement proportionnel à la taille du colombier puisqu'il s'agit de colombiers à pied, mais le décompte des boulins encore existants et la comparaison avec les dimensions des colombiers amène à faire une différence entre les boulins de terre et ceux de briques. Ainsi, à titre d'exemple, des colombiers de même diamètre intérieur et de hauteur semblable, comportent respectivement 1500 boulins et 2500, selon qu'ils sont en briques ou en torchis (Bourgtheroulde et Honguemare). (On entend par boulins (du grec Bulos) les trous pratiqués dans les colombiers et destinés à la ponte des œufs de pigeons. De là est venu à donner le nom de boulins aux trous réservés dans la maçonnerie pour recevoir les pièces de bois horizontales des échafaudages, et par suite à ces pièces de bois elles-mêmes. - définition donnée par Viollet le Duc) Perchoirs - Des perchoirs sont assez souvent offerts aux pigeons sur la paroi interne du colombier, sous forme de piquets de bois plantés dans l'ouvrage, en dessous de chaque ouverture de nids ou entre deux ouvertures de nids (très visibles à Bourgtheroulde). Ces petits perchoirs sont suffisamment espacés pour ne pas être escaladés par de petits mammifères nuisibles (espacement de 35 cm).
Décor de la façade - Le choix des matériaux et du style architectural va beaucoup dépendre de l'opportunité du lieu, mais suivre aussi une sorte de mode, selon les époques, motivée par la recherche d'ornements propre s à satisfaire le goût et l'orgueil du propriétaire. XVI et XVIIèmes siècles en verront l'expression, avec l'usage massif de la brique et de la pierre.
Si damiers de pierres blanches, harpes, bandes horizontales, frontons de porte, ouvrage des corniches sont autant d'éléments esthétiques, la brique a été très largement sollicitée pour égayer le parement extérieur. Dessins géométriques sous forme de réseaux quadrillés, de losanges simples ou plus complexes, « habillent » les murs des colombiers où la brique tient une place importante. On peut également y trouver des dessins plus naïfs, tels ces coeurs de tailles différentes qui ornent la face s'offrant au visiteur qui entre dans le domaine du sieur Le Roux de Bourgtheroulde. Leur signification n'est pas évidente ; y en a t-il une, d'ailleurs, ou bien est-ce une curiosité due à quelque maçon fantaisiste ? Leur répétition de par la campagne nous amène à penser qu'il s'est agit d'un mode de décoration assez répandu, mais dont la codification, s'il y en a une, ne nous est pas connue. En tous cas, à plusieurs siècles de distance, il s'en dégage une sorte de tendresse pour ces bâtiments.
Le colombier de la ferme du Logis
Toiture et lucarne du colombier de la ferme du Logis
(don de Mme Aline HUBERT)