CHRONIQUE DE BOURGTHEROULDE - 1118 - 1726
CHRONIQUE DE BOURGTHEROULDE
En 1118, après la mort de Robert de Meulan, les gens du pays de Bray ravagent le Roumois. En 1122, Henri d'Angleterre brûle Pont-Audemer. Il incendie et dévaste le pays à plus de vingt milles à la ronde. En 1131, Galéran de Meulan se rapproche de Geoffroy d'Anjou. Toute la noblesse du Roumois fait sa soumission. En 1204 la Normandie est rattachée à la France. Vers 1211, le bourg est le chef-lieu d'un doyenné du diocèse de Rouen. En 1248, la population du village est d'environ 800 habitants. Il y a 80 chefs de famille. Il est habituel que trois générations se côtoient dans la même maison. En avril 1252, une charte du cartulaire de Bonport révèle la présence d'un hôpital ou Maison-Dieu à Bourgtheroulde. En 1264, Le doyenné est composé de quarante-trois paroisses
La peste, apparue en Crimée, est apportée par les navires des négociants et atteint les côtes françaises en 1347. Toutes les couches de la population sont touchées. En 1348, près d'un Français sur trois en meurt, succombant en l'espace de quatre à cinq jours. L'une des conséquences de la « grande peste » des années 1348-1349 crée pour longtemps une grande fragilité sanitaire de la population qui engendra disette et marasme économique.
Au 14ème siècle, la mesure de Bourgtheroulde est en usage dans les paroisses situées autour. La vigne est cultivée mais le vin est réservé aux riches. Le pommier et le cidre n'apparaissent qu'au siècle suivant apportés du pays basque par les armateurs dieppois.
En 1419, les Anglais occupent Rouen et les pays alentour. En 1470, la paix revenue, l'archevêque approuve des quêtes en faveur de l'hôpital dont il nomme différents aumôniers.
La peste s'installe en 1479, 1483, 1502, 1512, 1513, 1518 à Pont Audemer et aux alentours. 1522 et 1524 furent des années de disette.
En 1546, l'hôtel-Dieu de Bourgtheroulde était toujours en fonction. On ignore à quel moment il disparut ainsi que son emplacement. Une léproserie existait en 1595 à Bourgtheroulde, située au hameau de La Poterie. S'agit-il de la Maison Dieu dont on ne retrouve plus de traces ? Cette léproserie était construite, comme les établissements semblables de l'époque, à l'écart du village. C'était un lieu d'accueil pour les lépreux qui s'y réfugiaient, le plus souvent contraints et forcés.
En 1617, Bourgtheroulde est érigé en baronnie. Le parc du château du seigneur, entouré de murs de briques, contient une maison ancienne avec vue sur le jardin, un logis en vis-à-vis, un colombier, des bâtiments. Les jauges, poids et mesures, différents de ceux de Rouen, relèvent de la baronnie de Bourgtheroulde. En 1632, Bourgtheroulde est composé de soixante-dix à quatre-vingts maisons. Il y a de très belles halles à blés, bouchers, merciers, têliers (*teillers, de teille : écorce de la tige du chanvre, nécessaire à la fabrication de certains draps). Au XVIIème siècle, la fabrication des draps est une spécialité de Bourgtheroulde.
Les registres paroissiaux de Bourgtheroulde débutent en 1668. Ils sont riches d'enseignement. Les actes de naissances et de décès fourmillent de précisions. Si le Pavé du Roi (*actuelle Grande Rue) accueille commerçants et artisans, le village est surtout habité par des journaliers, laboureurs, toiliers, tisserands et cordiers. La proximité d'Elbeuf, cité drapière, conditionne la vie des habitants. Il y a quelques potiers et briquetiers. Les salaires sont misérables. Le pain est l'élément essentiel des pauvres. Au 17ème siècle, une famille pauvre de cinq personnes (deux adultes et trois enfants) consomme environ quatre kilos de pain par jour. Le salaire mensuel étant d'à peu près vingt livres soit le prix de deux cents kilos de pain, la moitié des revenus d'une famille est consacrée à l'achat de cette denrée irremplaçable. Les couples ont de nombreux enfants. La mortalité infantile est effrayante. Les mères meurent souvent en couches ou d'épuisement. Les veufs se remarient rapidement, ne pouvant s'occuper de leurs enfants orphelins de mère. De nombreuses familles accueillent des nourrissons qui leur sont confiés par l'Hospice des Pauvres Valides de Rouen, futur Hôtel Dieu, ou par des boutiquiers et artisans de Rouen et d'Elbeuf. Les enfants, certains âgés de quelques jours, sont transportés dans de grands paniers accrochés aux flancs des chevaux ou des ânes. Les plus robustes survivent. Les conditions d'hygiène sont effroyables. Les registres paroissiaux mentionnent les décès de ces enfants, âgés de un ou quelques jours, déclarés par leurs parents nourriciers. Les nourrissons partageaient le même "bouteillon" de lait de vache dans lequel trempait un bout de tissu, rarement lavé, qu'ils têtaient l'un après l'autre. Les actes de sépulture des enfants trouvés ou abandonnés, placés par l'Hospice de Rouen, précisent qu'ils portent une médaille, comportant un numéro, attachée au cou par un ruban. Cette possibilité d'accueil, source de revenus, a perduré jusqu'à une époque assez proche. Dans la seconde moitié du 17ème siècle, une partie de la forêt de La Londe est défrichée. Les terres cultivées et les maisons construites sur les endroits essartés font partie de la paroisse dont le curé vient en premier y administrer les sacrements. C'est une façon de faire la course aux paroissiens payant la dîme. Ce qui donne lieu à de nombreuses contestations entre curés de différentes paroisses.
Le domaine de Nicolas Le Roux est composé d'un manoir et d'un château, un grand parc clos de murailles de briques, colombiers à pied et à garenne. Il est compris entre le grand chemin de Bourgtheroulde à la Bouille, la rue d'Infreville, les jardins, le chemin qui va au moulin d'Infreville. Les habitants de Bourgtheroulde et d'Infreville sont tenus de payer les impôts prélevés par le seigneur de Bourgtheroulde, mais aussi par le marquis de La Londe, en particulier au moment de la foire de la Saint Laurent et du marché du samedi.
En 1690, deux hôtelleries existent : "Le Gouffre" et "l'Image de Saint Nicolas". En 1693, une profonde misère s'installe dans toute la France provoquée par la sécheresse suivie d'une grande pauvreté. De nombreux décès sont constatés les deux années suivantes. En 1694, trente-cinq enfants décèdent à Bourgtheroulde, vingt-sept à Infreville. La mortalité n'épargne pas les adultes. Des familles entières disparaissent.
En 1710, à l'exception de deux ou trois laboureurs, le village est misérable, la population fatiguée par le transport des bagages des troupes. Les registres paroissiaux révèlent des faits divers.
Des carrières de marne sont exploitées :
1721 - Le dix neuf juillet mil sept cent vint et un a esté inhumé dans le cimetière de cette paroisse le corps de Nicolas Vittecoq de Bourgtheroulde aagé de 35 ans suivant un mandement de Monsieur le lieutenant général de Pont Audemer en date du 18 dud. (du dit) mois et an par lequel a autorisé à faire la levée du corps lequel avoit esté suffoqué par les mauvaises exhalaisons d'une espèce de marnière qu'il tiroit de la terre pour faire de la potterie sur la paroisse d'Infreville. L'inhumation du consentement de Monsieur le curé d'Infreville et en présence des témoins soussignés.
Le protestantisme est présent. Les pratiquants sont frappés d'interdiction d'inhumer dans le cimetière paroissial, sauf cas exceptionnel. Le registre paroissial de Bourgtheroulde en fait foi :
1726 - Suivant une lettre de Mr l'abbé Bridellon vicaire général de Mons.gr (Monseigneur) l'archevêque de Roüen de ce iourdhui, par laquelle vu l'exposé qui leur a esté fais que Damoiselle Esther de Convais aagé de cinquante cinq ans fille de feu Ms.re (Messire) Jean de Convais escuyer, a demandé les ministres de l'église avant sa mort, prevenant le d. (dit) sieur que la crainte des jugemens de Dieu luy avoit inspiré quelques mouvements de conversion, a permis que le corps de lad. (la dite) Demoiselle fust porté dans un coin du cimetière de cette paroisse, sans prière, sans chant, sans cérémonie, accompagné seulmt (seulement) d'un ptre (prêtre) et de quelques frères de la Charité, sans porter le d. (dit) corps dans l'église, ce qui a esté exécuté en la présence des personnes soussignés ce seisième mai mil sept cent vingt six. Signatures : Guestard, Bataille.