CHRONIQUE DE BOURGTHEROULDE - 1731 - 1789

Les paroisses de Bourgtheroulde, Infreville et Boscherville sont limitrophes de la forêt de la Londe.

 

En 1731 un loup emporte un jeune enfant d'Infreville :Registre paroissial d'Infreville - Ce 28 d'aoust 1731 ont esté inhumés dans le cimetière par moy curé de cette paroisse la teste et les intestins de Charles Leroy fils de Claude et Françoise Huppin qui ont esté trouvés dans la forêt de La Londe, le dit Charles Leroy étant aagé de dix huit mois fut emporté par une beste inconnue le 20 du dit mois en présence de Claude son père qui ne pust empecher son enlevement, la ditte teste avec les intestins trouvés avec les hardes par Jacques et Jean Coignard ce qu'ils nous ont attesté et signé, la ditte inhumation faite en présence de Claude Leroy son père, Pierre Leroy son grand père, Jean Tierce qui ont déclaré ne savoir signer leur nom et Laurens Chouquet, Jacques Coignard et Jean Coignard qui ont trouvé la ditte teste avec les intestins et les hardes du dit enfant ont signé aussy.

 

Les loups récidivent en 1735 à Bourgtheroulde et Boscherville : Registre paroissial de Bourgtheroulde :

 

Ce jour d'hui 12e d'avril 1735 a esté porté dans le cimetière de cette paroisse une teste d'enfant appartenant à Pierre Jouanne de cette paroisse qui a été trouvée dans le bord de la forêt du roi triège des quatre mares par Charles Le Page Nicolas Petitvalet et autres qui ont été à la recherche dud.(du dit)  enfant lequel fut emporté par une beste féroce sur les sept heures du soir ce qui a esté vu par Margueritte Cornu veuve de Charles Le Secourable et Jacques Le Menu qui rencontrèrent lad. (la dite) beste féroce avec led. (le dit) enfant qu'elle emportoit dans la foret lesquels témoignages nous ont déterminé à ne vouloir manquer au respect qui est du à justice, à souffrir l'inhumation de la teste dud. (du dit) enfant dans le lieu saint.- Suivant le mandement de M. Sabire N. Sieur de Bois Labé lieutenant particulier assistant au bailliage de Pont Audmer anotés par le curé doyen du Bourgtheroulde a dresser pour inhumer le reste d'un cadavre d'un fils appartenant à Pierre Tubeuf de la paroisse de Boscherville lequel a esté trouvé dans une pièce de bled (blé) sur le fond de Madame la marquise de la Heuze lequel enfant a esté dévoré par une beste féroce, vu lequel mandement les restes dud. (du dit) enfant ont esté inhumé dans le cimetière de cette paroisse jour et an que dessus (*24 juillet 1735)

 

Le 4ème d'aoust 1735 en conséquence d'un mandement adressé à Monsieur le curé doyen de la part de Monsieur de Boislabé lieutenant particulier de M. Parin conseiller du roi au bailliage de Pont Audemer en date dud. jour pour inhumer les restes d'un cadavre d'une petite fille aagé de deux ans et demi appartenant à Michel Carité qui fut hier dévorée par une beste féroce, lad. (la dite) Inhumation a estée faite dans le cimetière de cette paroisse.

 

            Les loups n'étaient pas les seuls prédateurs. La forêt de La Londe était le repaire de bandes de brigands. Avant de la traverser pour se rendre à Rouen ou sa banlieue, les voyageurs se regroupaient de bon matin auprès de la porte nord du château de Bourgtheroulde, appelée « Porte des marchands ». Tous n'avaient pas la chance d'être saufs. Le lieutenant du  bailliage de Pont-Audemer se déplaçait pour mener une enquête dans le cas de mort violente ou suspecte. Les piliers de l'ancienne Porte des Marchands font partie du patrimoine de la commune. Ils sont encore visibles de nos jours.

             L'année 1736 fut d'une exceptionnelle sécheresse. Les récoltes ne suffirent pas à couvrir les besoins de la population. Les décès relevés en 1737 dans les registres paroissiaux de Bourgtheroulde et Infreville sont deux fois plus nombreux que la moyenne de l'époque. Les plus faibles, enfants et vieillards, furent les premières victimes. Comme en 1694, des familles entières disparurent.

             En 1736, on constate que Le village est depuis des temps immémoriaux un lieu d'étape pour les troupes, logées chez l'habitant.

             En 1761, les logeurs obtiennent de l'intendant général de Rouen que Rabeaux, syndic militaire et Thomas, syndic collecteur, accusés de procédés injustes, soient démis de leurs fonctions et remplacés. François Patin, chirurgien, devient syndic militaire et Rayé syndic général. Patin a pour adversaire le notaire Marcotte, aussi receveur buraliste et propriétaire terrien, qui envie la charge de syndic militaire occupée par Patin. Chacun a ses partisans. Patin met tout en œuvre pour déstabiliser Marcotte. L'affrontement entre les deux hommes dure des années pendant lesquelles Patin et Marcotte usent de procédés divers pour régler leur querelle. Comme dans tout le royaume, le sort des Thérouldebourgeois est épouvantable, dépendant des cultures, sources de revenus et d'alimentation. Des années de disette, provoquées par des récoltes insuffisantes, amènent une terrible misère.

            En 1765, les paysans subissent divers impôts. La taille (*impôt direct sur les roturiers, aboli en 1789) augmente. Les corvées sont nombreuses et empêchent les laboureurs et les paysans de travailler la terre. Les ouvriers toiliers, cordiers, etc. ne peuvent se tenir à leur métier et gagner de quoi nourrir leur famille. Les passages des troupes sont de plus en plus nombreux, le logement des soldats contraignant. En octobre, une supplique adressée à l'intendant général prédit que « le bourg deviendra désert avant 3 ans », la misère s'aggravant. Les faits sont confirmés par une lettre du président de La Londe. L'intendant informe ce dernier qu'il aurait voulu accorder une diminution de la taille, mais que malheureusement il y a de l'augmentation cette année ! Le trésor doit être approvisionné pour le plaisir du roi... Les collecteurs d'impôts se contentent de remplir au mieux leur tâche, sans se soucier de l'état de misère, malgré les protestations écrites des habitants adressées à l'intendant de Rouen. Saint Amand, collecteur, est désavoué et se trouve obligé d'accorder une légère diminution à Osmont, fermier de M. de La Londe. Saint Amand en conçoit un profond dépit et attend le moment favorable pour se venger.

             En 1768, le Roumois est dévasté par de nombreux orages. Les récoltes sont perdues. Le roi accorde une diminution des tailles

             En 1770, la variole sévit à Bourgtheroulde. Les soldats ne peuvent loger chez les malades. Patin en profite pour imposer des hommes de troupe aux « privilégiés », dont Marcotte, qui dépose plainte, son état de receveur buraliste le dispensant. Les autres privilégiés sont : le fermier du château, le garde du président de La Londe et son meunier, le maître de la poste courante, le chirurgien, le notaire, le sergent : ils sont tenus de loger les troupes ! 

             En 1771, la querelle reprend entre Patin et Marcotte. Marcotte est contraint de prêter ses chevaux et ses charretiers pour le transport des troupes. Il rameute les mécontents et adresse un mémoire des habitants de Bourgtheroulde contre le sieur Patin : le bourg compte 6 auberges et 108 logements, dont 8 trop pauvres. Une personne de chacune de ces huit familles est tenue de servir de guide et de porter les avertissements aux syndics des autres paroisses. Les soldats malades sont gardés par leur logeur pendant leur convalescence. Patin est accusé de garder une partie des billets de logement qu'il se fait rembourser par l'étapier. Les soldats sont environ 500 à chaque étape. Patin adresse les plus tapageurs chez Marcotte. C'est de bonne guerre, Marcotte ayant hérité du bureau des aides, auparavant confié à Patin. Patin est soupçonné de faire du trafic de bois avec le tenancier de la ferme de saint Nicolas qui se trouve dans la forêt et qui appartient aux religieux de Saint Georges de Boscherville. Les journaliers, fileurs de coton et les veuves sont trop souvent mis à contribution. Cette pétition n'étant pas signée, Patin dénonce cette accusation anonyme.

              Les habitants sont convoqués en assemblée générale le 28 avril dans l'église. L'affrontement entre les partisans de Marcotte et Patin tourne à l'avantage de ce dernier. Marcotte quitte le lieu saint après avoir demandé une suspension de séance. Il se plaint auprès du président de La Londe qui écrit à l'intendant M. de la Potterie. Les habitants sont convoqués pour une nouvelle réunion le 2 juin 1771. Entre-temps, le 24 mai, le régiment de Condé stationne dans le bourg. Patin adresse chez Gosse, garçon charron et protégé de Marcotte, six soldats qui  le rouent de coups et brisent son mobilier. Gosse est secouru par des voisins. Gosse et les soldats se retrouvent chez Patin qui confirme qu'il a conseillé aux soldats logés de lui casser bras et jambes, d'avouer où est caché son butin et d'avoir la fin de son s… de cadavre. Tout le monde est renvoyé chez Gosse qui subit une nouvelle fois coups et dégradations de son mobilier, ayant déclaré qu'il se plaindrait au président de La Londe. Les voisins ont recours à la garde. Les officiers rétablissent l'ordre.

               Patin dénonce la complaisance du curé doyen qui affirme n'être d'aucun parti mais menace le syndic, étant plutôt favorable à Marcotte. Les débats ayant lieu dans l'église, une émeute est évitée. M. de La Londe  suggère que M. Roger, frère du doyen soit nommé syndic militaire. Après un an de disputes, cabales et mutineries, Patin est démis de ses fonctions. Il est remplacé par Roger. Quelques années plus tard, Patin retrouve la charge de syndic.

              En 1772, et longtemps auparavant, toutes les paroisses du doyenné étaient agrégées à la Confrérie du saint Sacrement du Roumois.

              En 1773, le bétail est décimé par des maladies épidémiques. Un dégrèvement est accordé. Les laboureurs sont les moins éprouvés. La remise de la taille est concédée aux pauvres.

              En 1775, le village est misérable. Il n'y a plus d'hôpital. Les pauvres ont recours à la charité publique. Les secours, bien minimes, accordés par M. de La Londe et les religieux du Bec, qui perçoivent deux tiers de la dîme de la paroisse (*dîme : dixième partie des impôts en nature accordés au clergé et à la noblesse), ne suffisent pas. Famine et émeutes se propagent en Normandie. Des spéculateurs pillent les marchés, emportant les grains. Le peuple se fait des nourritures qui font horreur à l'humanité. Le gouvernement blâme le Parlement. Il est évident qu'il a existé alors le fameux pacte de famine, toujours nié. (Pacte de famine : le premier est supposé avoir existé en 1628 sous Louis XIII. Le second sous Louis XIV en 1709 après le décès du père Lachaise son conseiller. Conspiration tramée entre quelques riches et puissants sous Louis XV, vers 1765,  pour opérer des disettes factices. Le dernier a lieu en 1783 pendant le règne de Louis XVI). En mai 1775, des incidents éclatent au marché de Bourgtheroulde, provoqués par des femmes de La Bouille et des environs qui exigent un prix élevé du blé qu'elles vendent. Un cavalier de la maréchaussée est secouru par ses camarades. La halle au blé n'est plus approvisionnée. Le 12 juin, le prix du blé est exorbitant. Il y a des scènes de pillage dans la région. Le syndic de chaque paroisse accuse les syndics voisins de leur adresser les troupes  faisant étape et qu'il faut approvisionner.

             En 1778, Bourgtheroulde est le chef-lieu d'un arrondissement pour la levée des troupes provinciales, comprenant : le bourg, Bosrobert, Bosc Regnoult, Le Theillement, Bosnormand, Angoville et Thuit-Hébert. Un tirage au sort entre garçons et veufs a lieu pour désigner les futurs soldats provinciaux. Cent quatorze sont présents sur cent trente-trois. Cinquante-sept sont exemptés, vingt-cinq infirmes, cinquante et un jugés trop petits. Ceux qui ne se sont pas présentés sont considérés comme fuyards. Sont dispensés : les fils de nobles, leurs domestiques et ceux des ecclésiastiques.

             En 1779, les riverains des routes sont tenus de procéder à leur bon entretien. D'où de nombreuses contestations et procès entre voisins. Le syndic Jean Baptiste Fouquet agit comme ses prédécesseurs et provoque les mêmes réclamations. Fouquet prend la fuite à la suite d'ennuis conjugaux. Il est accusé d'avoir battu sa femme à mort et est condamné par contumace. Las d'errer, il se constitue prisonnier et obtient « la Fierte » qui lui est accordée en 1786. (*Fierte de Saint Romain à Rouen : Chaque année, une seule annulation d'une condamnation à mort). Patin récupère sa charge de syndic militaire. Les querelles avec Marcotte et les habitants, qu'il ne favorise pas lors des étapes des troupes, reprennent. L'intendant ordonne que soit établi un état des logements pour soldats. Trois amis de Patin dressent un tableau que l'intendant ne juge pas équitable. Patin est sommé de produire de nouvelles indications proches de la réalité. Patin reporte sa haine sur le successeur de Marcotte : Pourpoint. Six cents soldats sont mentionnés faisant étape dans Bourgtheroulde. Patin en loge plus qu'il n'est légal chez Pourpoint qui porte réclamation.

              1781, l'atelier de charité, nouvellement créé pour aider les ouvriers sans travail, participe à la construction de la grande route de Brionne. Le chantier est arrêté. Les officiers des eaux et forêts interdisent le prélèvement de grès, pierres, cailloux dans les carrières de Saint Martin et de la côte des Rouges situées à Infreville et Saint Ouen. Lafosse, maître des travaux, malgré ses suppliques, ne peut les assurer. Les ouvriers n'ont plus d'ouvrage et retrouvent la misère. Le 29 décembre, l'intendant reconnaît que les officiers des forêts sont en droit de poursuivre l'entrepreneur, mais ne peuvent empêcher la construction de la route.

              En 1787 sont mis en place les premiers conseils municipaux. Les syndics sont à leur tête. Le bourg est habité par 800 personnes et produit de la mercerie. Femmes et enfants filent le coton et la laine destinés aux fabriques de Rouen et d'Elbeuf.

              En 1789, une assemblée a lieu au bailliage de Pont Audemer. Deux délégués du Tiers-Etat sont désignés : Pourpoint, notaire, et Jacques Mullot. Le clergé est représenté par Lamboise, Thubeuf, De Penneville, le curé doyen de la collégiale et les chanoines pour leur communauté.  Pour la noblesse : Louis Paul Le Cordier de Bigards représentant sa baronnie et ses fiefs, membre d'une majorité appelée « les cent quarante » qui ne veut céder aucuns de ses droits, aucunes de ses prérogatives. Par la suite Le Cordier de Bigards, devenu libéral, est membre des « cent six » et fait le noble sacrifice de ses prérogatives, droits et privilèges seigneuriaux. Ce qui n'empêche pas une rumeur de se propager : le marquis fait du trafic de grains ! Ce qu'il récuse en proposant de faire visiter ses bâtiments, offre 100 louis de récompense à celui qui dénoncerait les marchands et blatiers (marchands de blé) qui auraient travaillé pour son compte. Il est désigné comme ennemi du peuple. Il émigre.

Le 27 juillet des troubles éclatent à Rouen. Des bruits courent qu'une troupe d'étrangers malfaisants sortis de la capitale ont porté le pillage dans les campagnes et les marchés du Roumois.

 

Il n'y a pas de maréchaussée à Bourgtheroulde avant la Révolution. Il existe deux brigades pour le bailliage à Pont Audemer et Bourg Achard. Une troisième était installée à Cormeilles au milieu du 18ème siècle et fut supprimée en 1778.

 

Les registres des délibérations du conseil municipal sont conservés en mairie de Bourgtheroulde. Il a semblé plus honnête de transcrire les faits et leurs conséquences en suivant la chronologie des séances des conseils municipaux à partir du 21 février 1790, date à laquelle est enregistrée la première réunion connue. Ce qui peut paraître fastidieux à la lecture mais est conforme à la réalité.

 



17/04/2009
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